Îlot: Bonjour!

C’est le centre d’accueil et de documentation d’Archipel avec des images et des sons qui dressent un portrait d’ambiance générale et permettent de mieux appréhender la topographie des îlots. Des vues d’ensemble éclairent les perspectives du projet, des gros plans initient aux mécanismes internes.
D’importantes archives sont là, sous forme d’anthologies, pour mesurer la richesse des généalogies historiques d’Archipel. Essentiellement au niveau des musiques électroniques, du côté « savant » comme du côté expérimental dérivant des musiques populaires. Mais aussi avec un focus incontournable sur Dada, fabuleux moment inaugural de destructions et inventions de nouvelles formes, remettant en cause les notions de corps, de silence, de bruit, renouvelant les fonctions artistiques de témoignage et incitant au recyclage iconoclaste des idées, formes et matières. Dans la foulée, ne pas rater le panorama tumultueux de la poésie sonore où le verbe retrouve ses connexions sauvages et obscures au corps, susurrées ou criées, dans le sillage d’Antonin Artaud. Le rôle des avant-gardes est rappelé avec ces compositeurs russes qui marièrent la musique symphonique aux métallurgies et autres sirènes industrielles.

Des portraits sonores ou filmés de personnalités phares, comme Pierre Schaeffer et son solfège de l’objet sonore, William S. Burroughs et ses techniques de cut-up, David Toop comme exemple d’esprit curieux, inlassable défricheur qui invente une nouvelle manière de raconter le mouvement des musiques et John Cage qui révolutionne la musique occidentale par la dimension temporelle, l’importance du silence et de l’aléatoire.
Des instruments et des pratiques fétiches sont illustrés dans des reportages didactiques. La platine, qui a révolutionné l’écoute des musiques et les manières de recycler l’héritage musical en se l’appropriant, est montrée dans tous ses états et multiples possibles, entre les mains de Yoshihide Otomo. Comment le bruit devient une matière sonore modulée, sculptée, vous le découvrirez dans un documentaire sur les musiciens noise de Portland. De même le fonctionnement mystérieux d’un live electronics et le b-a ba du bidouilleur électronique est révélé dans un reportage sur des ateliers de passionnés allumés.
Un coffret de plusieurs CD introduit à la dimension délirante et utopiste des nouveaux luthiers, inventeurs d’instruments et appareils sonores révélant des territoires musicaux insoupçonnés.

Comment évolue un courant musical historique et devient « autre chose » pour venir irriguer Archipel, c’est ce que rend perceptible une anthologie consacrée aux musiques anglaises entre 1910 et 1977, où l’improvisation cherche des formes toujours plus instinctives, à même de capter la surprise totale du présent.
Les anthologies du label Sub Rosa sont idéales pour capter d’emblée l’esprit d’Archipel : elles tracent l’histoire des musiques électroniques innovantes selon une logique en zigzags, défiant les conventions chronologiques et, ainsi, insistant sur la dimension organique et la force d’émergence imprévisible de ces musiques.
Bien loin de réunir les musiques actuelles en narrations isolées et fragmentées, Archipel et ses îlots les inscrit dans le souffle d’une épopée multiforme bien loin de se tarir.