ANTHOLOGIE

Îlots: Bonjour! (également relié aux ilots Recyclage, Utopie)
Glossaire: Bande magnétique (manipulation), Détails agrandis / Micro-sons, Installation sonore / Sculpture sonore, Musique concrète, Musique électro-acoustique, Musique électronique, Objet sonore, Pionniers

Précurseur de la série « Anthology of Noise and Electronic Music » chez Sub Rosa, cette compilation du label Caipirinha brosse un panorama extrêmement large des précurseurs de la musique concrète et électronique, de 1953 à 1967. Si la musique électronique s’est aujourd’hui imposée à travers toute la musique « populaire » (quoi que ce terme idiot puisse signifier), des expérimentations les plus radicales aux techniques de studio derrière les musiques les plus conservatrices, on a tendance à oublier où elle a débuté, c’est-à-dire dans les studios les plus sérieux, les plus académiques : ceux des universités, des radios d’État (des studios de Radio France au BBC Radiophonic Workshop en passant par le studio de musique électronique de la WDR à Cologne). Elle a été longtemps l’apanage de techniciens d’une part et de compositeurs classiques d’autre part. Elle a longtemps évolué en vase clos, protégé, comme une avant-garde hautaine de la musique classique, dont elle voulait prendre la place.

Débutant avec une pièce réalisée en collaboration par Otto Luening et Vladimir Ussachevski en 1953, cette anthologie donne immédiatement le ton, une coloration immédiatement datée : un mélange incontestable de guerre froide et de conquête de l’espace, de grisaille politique et de science-fiction.
Même si la correspondance n’est que coïncidence, une partie de ces musiques est irrémédiablement associée à l’espionnage et à l’anticipation. Toutes ces sonorités nous sont familières, mais elles nous sont parvenues non par le disque, le circuit musical, mais par la radio, la télévision et le cinéma. Un film de science-fiction comme Forbidden Planet a ainsi plus fait que les rares performances publiques de Stockhausen pour la diffusion de cette musique, et pour habituer l’oreille à de nouvelles sonorités, à de nouvelles approches de composition. Si la plupart des pièces de cette anthologie sonnent « modernes », c’est-à-dire un peu datées, plusieurs sonnent étrangement contemporaines, particulièrement parmi les plus minimalistes (le minimalisme étant un des paradigmes les plus récurrents dans la nouvelle musique d’avant-garde). Est-ce un tribut à la pertinence et à la longévité de Iannis Xenakis ou de John Cage ? Ou est-ce la preuve que leur voie, leurs théories ont été adoptées, reprises à leur compte, redécouvertes ou poursuivies jusqu’à nos jours ? Certaines des pièces, celles de Pierre Schaeffer notamment, sont des pierres blanches dans l’histoire de la musique, des « premières fois ». L’Étude aux chemins de fer de 1948 est en effet la première composition réalisée uniquement à partir de disques, inaugurant d’un seul coup le sampling, l’électro-acoustique et le DJ-ing. (Benoit Deuxant)

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