SCULPTEURS DE VINYL (LES)

Îlots: Bonjour! (également relié aux ilots Aleas, Bruits, Recyclage)
Glossaire: Bruitisme (génère du bruit pur / inclus les micro-sons amplifiés), Citation, Collage / Cut up, Déstructuration, Flux continu / Continuum, Grain / Matière, Indétermination, Instant music / improvisation libre, Live electronics, Musique électro-acoustique, Nouvelle narration, Platinisme, Sons parasites

Le disque Memory & Money des Sculpteurs de Vinyl met à l’honneur l’art du platinisme _(turntablism- en anglais). Cette pratique consiste à utiliser des platines tourne-disques comme des instruments de musique à part entière, ne considérant plus le disque vinyle à un usage d’écoute, mais comme matière première à une nouvelle proposition sonore. Sur cette base d’interrogation des possibilités du phonographe, le compositeur Pierre Schaeffer introduisait déjà début des années 1950 des tourne-disques dans certaines de ses compositions. Un acte qui constitue en quelque sorte l’« ancêtre » de ces pratiques dans le cadre des recherches de ce qu’on nomme alors « musique concrète ».

Deux courants se sont profilés depuis. Le premier explore la substance et matérialité du son enregistré sur vinyle (une ramification de la musique concrète, donc) avec une tendance au bruitisme et à la « destructuration ». Ce courant est bien souvent associé à un aspect visuel, et est lié au domaine des arts plastiques. Un pionnier en est par exemple Milan Knizak, qui dans les années 1970 découpait plusieurs disques et en recollait les morceaux de manière aléatoire, et créait ainsi une nouvelle proposition sonore. L’autre courant, qui émerge aussi dans les années 1970, est indépendant du premier. Il est lié aux techniques du hip-hop, depuis l’avènement du premier breakbeat créé avec deux platines tourne-disques par Dj Kool Herc. Ici la pratique est axée dans une optique de créer des rythmes fluides aux agencements groovy.

Ce disque, Memory & Money, réalisé dans le cadre d’une résidence d’artistes d’une durée de quinze jours en juillet 1996 à la Friche La Belle de Mai (Marseille), confronte des musiciens venant de ces deux courants, proches dans leur conception mais que tout sépare a priori. C’est la rencontre de deux mondes avec d’un côté les musiques dites « savantes » et de l’autre la musique de la rue, la musique populaire. Sculpteurs de Vinyl est le nom donné au groupe pour l’occasion et rassemble Yoshihide Otomo et Erik M (école du platinisme bruitiste, premier courant précité), Dj Rebel et Dj Sky (Dj Hip Hop, deuxième courant précité), Sachiko M (sampler) et des invités : Tom Cora (violoncelle), Catherine Jauniaux (voix) et Tsuguto Tsunoda (platines).

Les deux longues plages du CD (21’ et 28’) sont le fruit d’un mixage, réalisé par Yoshihide Otomo (qui dirige le projet), des enregistrements issus des différents ateliers pendant la résidence. La musique se présente comme un patchwork décomplexé (en ce sens libératoire) de samples et scratchs qui se télescopent suivant une trame narrative rocambolesque s’accordant quelques passages bruitistes… Un joyeux tohu-bohu placé sous le signe de l’humour abordant de manière insoupçonnée et subversive des sujets aussi profonds et primordiaux que l’égalité des droits civiques (concernant la place des homosexuels par exemple) ou encore l’aliénation de nos sociétés agglutinées autour des valeurs centrales de l’argent. Derrière ce méli-mélo de surface se cache un grand savoir-faire tant au niveau des intervenants que de l’orchestration. Outre le fait d’être une expérience symbolique (rencontre des musiques savantes et musiques populaires), ce disque constitue une introduction ludique à des pratiques réputées « hermétiques » et « ennuyeuses ». (Bertrand Backeland)

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