ANTHOLOGIE

Îlots: Bonjour! (également relié aux ilots Recyclage, Utopie)
Glossaire: Arte povera, Bande magnétique (manipulation), Installation sonore / Sculpture sonore, Instruments détournés / Matériel détourné, Manipulation d’objets, Musique acoustique, Musique électro-acoustique, Musique électronique, Nouvelle lutherie, Pionniers

Dans un monde où les pratiques musicales tendent à s’uniformiser, il reste à découvrir, pour celui qui aura la curiosité de passer outre les convenances rassurantes, de nombreuses personnalités singulières et aventureuses. La facture d’instruments ne répondant pas aux normes traditionnelles et/ou industrialisées se manifeste ainsi sous diverses formes et latitudes tout au long du XXe siècle. Concevoir et construire des instruments originaux, souvent uniques, aura été aussi bien le fait d’excentriques œuvrant aux marges des institutions que d’activistes de l’art au sein de mouvements tels que le futurisme.

Ce champ est si vaste que de nombreux livres, revues et sites Internet lui sont consacrés, comme la revue EMI (Experimental Musical Instruments) dirigée par Bart Hopkin. C’est ce dernier qui a conçu la compilation qui accompagne un livre bien documenté où sont exposées quelques-unes des figures les plus emblématiques de ces « chercheurs de sons » (pour reprendre le nom d’un site Internet consacré au sujet).

Dans son introduction, Bart Hopkin formule quelques concepts propres à mieux cerner les tenants et aboutissants de la « lutherie sauvage ». La recherche d’une esthétique singulière, aussi bien au niveau de la forme de l’instrument que des sons qui doivent en sortir, est la plupart du temps secondée par un questionnement sur la nature du répertoire et sur la faculté d’adaptation de l’interprète. Ce dernier est d’ailleurs souvent l’inventeur de l’instrument lui-même.

Le répertoire n’est pas toujours lié à cette expression de l’ego revendiquée par les facteurs d’instruments. C’est ainsi que sur la compilation, on peut entendre des versions de « standards » de la musique classique au theremin par Clara Rockmore (le très beau Cygne de Camille Saint-Saëns par exemple), du jazz classique par Sugar Belly et son saxophone de bambou ou de l’improvisation libre par Hans Reichel et son daxophone. Certains créateurs échappent toutefois à tous ces canons. Harry Partch est probablement un des plus fameux, avec ses instruments et ses compositions, héritiers aussi bien de traditions de l’Extrême-Orient que des formes populaires et savantes de l’histoire de la musique occidentale.

Dans l’élaboration de leurs instruments, les luthiers peuvent s’inspirer de formes et matériaux naturels. L’idée, les visées utopistes n’étant jamais loin dans ce domaine, est d’atteindre par la pratique musicale une harmonie avec les éléments ou de retrouver des sons « originels », d’avant l’ère de la mécanisation et de la partition. Par ailleurs, certains matériaux semblent exister pour devenir de la musique : du bambou qui n’attend qu’à être coupé ou des pierres à être entrechoquées.

Enfin, le plaisir de provoquer, d’étonner et d’enchanter l’œil autant que l’oreille constitue une motivation manifeste de ces expérimentateurs Des « faiseurs de bruits » voulant imiter la rumeur de la vie moderne mis au point par le futuriste Luigi Russolo aux instruments de verre de Jean-Claude Chapuis en passant par les guitares « guerrières » de Ken Butler (dont les cordes sont tendues sur des fusils de chasse), c’est à une conception de la musique facétieuse, mystérieuse et enchanteresse, que cette compilation souhaite nous introduire. Ce chapitre méconnu de l’histoire musicale est si vaste que ce disque a été complété par un second volume : Orbitones Spoon Harps & Bellowphones (Ellipsis Arts, 1998). (Alexandre Galand)

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